Chantal Moret et Alain Rebord
CHANTAL MORET ET ALAIN
REBORD sont les hôtes du château de Prilly pour l'exposition qui fête l'équinoxe d'automne.
Les deux artistes
romands partagent pour la première fois les mêmes cimaises. Rencontre entre l'errance
et la recherche des grands espaces.
Sur la route ...
La figure
humaine est au cœur de la peinture et des préoccupations de Chantal Moret. « Il me faut cette
trace du vivant, ces êtres. J'ai peint des toiles où il y avait toute une composition
... J'y ai toujours rajouté, parfois au dernier moment, l'humain, sinon je les trouvais
nues! ». Pour cette exposition, l'artiste, qui vit et
travaille à Champtauroz en pleine nature, a choisi de nous inviter à partager l'errance ... L’errance forcée, tragique, courageuse, celle qui, à l'image des migrants qui hantent la « jungle »
du
Pas-de-Calais, jettent des humains sur la route en quête d'un
avenir meilleur; humains sans visage qui perdent leur identité tout en luttant
pour conserver leur âme et leur dignité; mais également l'errance du pèlerin qui
prend la route en quête d'une recherche personnelle,
à
la
conquête
d'une nouvelle forme de liberté ou de la compréhension de l'existence. Quelle que soit la
raison de cette errance, on entre clans une histoire, celle d'hommes, de femmes et
d'enfants nous rappelant que la route, le nomadisme ont toujours
fait partie intégrante de la vie ... Pour le meilleur et pour le pire. Des jungles
du Pas-de-Calais aux Pèlerins (une série de tableaux créée à Montréal, inspirée de
la
Pierre
de patience d'Atiq Rahimi, qui n'a jamais été montrée en Europe), Chantal Moret a peu à peu
engendré un cortège de silhouettes drapées dans leur silence, marchant tantôt bravement, tantôt sereinement
à
la
rencontre de leur destin. Fidèle à sa gamme de couleurs allant du noir au blanc en passant par le gris, le rouge, les terres ou les
bruns, le peintre traite des thèmes essentiels avec des moyens picturaux primordiaux,
un style de composition sans artifice dominé par
des lignes claires, des formes simples et un constant va-et-vient entre le sujet
traité et les agents plastiques. La matière est au service de l'émotion. « J'ai
besoin
d'être
jour
après
jour
dans
mon
atelier. En relation avec la matière. C'est vital. Quand j'ai un
pinceau à la main, il n'y a plus le fatras des mots. J'aime ce jeu des formes, des teintes,
bien que chez moi, ce soit peu coloré. Tout est transformable
en
matière
et en couleurs. J'aime ce jeu de la transformation, j'aime le ressenti. Dans l'acte même
de création, je découvre toujours quelque chose ... ».
Entre matières et espaces
Alain Rebord aime
marcher en quête de paysages nouveaux ou d'espaces qu'il se plaît à redécouvrir
encore et toujours sous d'autres lumières, dans des ambiances changeantes, à des moments
de vie différents. « Je partage mon travail entre l'inspiration locale et d'autres
lieux,
en
particulier l'Argentine où vit ma fille ». Lorsqu'il séjourne en Suisse, le peintre côtoie quotidiennement le Léman, car
son atelier est situé à deux pas de l'eau, sur la plage de Préverenges. Fasciné par la clarté
des
matières
et de l'espace, Alain Rebord opère des rapprochements
entre
une
certaine réalité géographique inspirée des lieux qu'il contemple, traverse,
arpente et les paysages mentaux qu'il s'est forgés au fil du temps, de ses lectures, au gré de ses contemplations.
Ainsi, son œuvre nous permet de faire tomber les frontières, de
parcourir des mondes différents, de nous perdre clans des lumières, des ambiances, des
couleurs et des textures aux multiples résonances. Le peintre nous invite à mettre nos pas dans les siens, à contempler les ruines de Pompéi, à vibrer au rythme des textes limpides de Mishima
évoquant le Japon, à mesurer du regard les étendues argentines proches de la frontière bolivienne, à nous perdre dans
la
forêt
vierge, à embrasser les paysages lémaniques,
à
nous enfiler dans les
passages s'ouvrant à nous. « J'aime les portes, les passages, les
ouvertures, présentés en dualité avec une matière qu'on foule au pied, qui colle aux semelles. Ce qui se passe entre ces deux univers est particulièrement intéressant». Chez Alain Rebord , tout est voyage,
découverte, moment d'histoire,
témoignage; et le peintre d'évoquer pour nous le tableau qu'il a réalisé au moment où la tempête Joachim faisait rage, où les paquets de mer ont dressé un bateau sur la grève
proche de son atelier, où les branches volaient clans tous les sens... Et de s'arrêter sur un morceau de désert du Maghreb dont il a immortalisé l'erg par un mélange de
sables, quartz et terres ramenés du bled. « Je mélange mes matériaux, sables, terres, bois, avec des
colles et des pigments qui vont habiter partiellement mes tableaux et entrer en relation avec l'acrylique. Très souvent, comme point de départ, je prends des photos, mais ce sont uniquement des
références. Après, je démarre avec un détail ou un élément, une matière, une
forme, une couleur liés à un souvenir, à la perception d'un espace, à la qualité d'un moment, et j'avance! »
Armande Reymond
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