Exposition Equinoxe
d’automne à Prilly
Trois artistes unis par la passion de l’estampe et de la
nature
Pour
son exposition d’automne, l’Espace Equinoxe, au Château de Prilly, accueille
Christiane Jaques, Serena Martinelli et Dominique Gigante. Les trois artistes, qui
vivent et travaillent en Pays de Vaud, ont notamment pour dénominateur commun
la pratique assidue de l’estampe et de la gravure au sein d’un même atelier.
Ils mènent en effet leurs recherches à l’Atelier Raymond Meyer à Pully et Lutry.
A leurs côtés, le taille-doucier, imprimeur et éditeur n’a de cesse de les
pousser vers l’excellence, c’est-à-dire dans leurs derniers retranchements pour
révéler en eux les moments précis où l’acte de création devient une
respiration, une pensée, une émotion, une étincelle de vie. Les artistes se
retrouvent aussi dans le regard que chacun d’entre eux porte sur la nature et
l’organisation du monde.
Christiane Jaques présente une série de
gravures – pointe sèche et carborundum - inspirée des Galápagos. Lors d’un
voyage dans cet archipel de l'Équateur, elle s’est enfoncée dans la mangrove.
Fascinée par cet écosystème de marais maritime, elle a réalisé des
photographies sur le terrain. Elle en a tiré ensuite un magnifique travail
mettant en exergue l’aspect primitif et sauvage de ce biotope caractérisé par
une végétation enchevêtrée qu’elle décrit comme «des îles et des jardins qui
sortent de la mer». Christiane Jaques arpente par ailleurs très régulièrement
le Jardin botanique de Lausanne. L’occasion là aussi de s’attarder sur la
structure des végétaux, sur la façon dont ils s’entremêlent, laissent passer la
lumière ou deviennent les vecteurs de ses émotions. Les gravures de Christiane
Jaques transmuent la nature en une trame sensible sur laquelle s’agrippent les
secrets d’un chemin de vie oscillant entre exploration et poésie.
Pour
Serena Martinelli, la gravure avec
Raymond Meyer est «une véritable découverte de liberté». Ses estampes mélangent plusieurs
techniques qui s’enrichissent mutuellement, comme la peinture, le collage, la
pointe sèche. Le rythme de création à l’origine de ces travaux résultant d’une
suite d’essais que l’artiste qualifie d’«al dente» est également essentiel.
Serena Martinelli passe en effet d’une phase de travail lente, où le geste, l’émotion, la
spiritualité sont intériorisés, comme dans la série Présence d’esprit, à des séquences qui sont, au contraire, «de
l’énergie sauvage à l’état brut», à l’exemple de Monastero. Pour prendre la mesure de la pensée et de la matière, en
saisir l’épaisseur, la texture et le relief, l’artiste trace sa route étape par
étape, à la rencontre du monde. De ce cheminement exigeant et rigoureux naît
une force de création inépuisable. Les estampes qu’elle expose témoignent de
cette quête passionnante la poussant sans-cesse à se poser des questions
nouvelles, à aller voir de l’autre côté de la montagne. Sa quête l’entraîne
d’ailleurs régulièrement au cœur de la nature et jusque dans le désert
saharien.
Dominique Gigante crée des matrices en
aluminium ou en plexiglas sur lesquelles courent des traces à l’aquarelle, se
superposent des collages et des signes, tandis que des lignes deviennent le trait
d’union entre la nature et l’homme. L’artiste, qui privilégie la pointe sèche
pour ses estampes, aime décliner l’idée du leporello dont la découverte et la
lecture peuvent se faire de manière séquentielle, ou qui se dévoile en un seul
coup d’œil. Oscillant entre l’humain et la nature appréhendée à travers des
fragments de végétaux ou des paysages - les deux formant un tout indissociable
- chaque gravure de Dominique Gigante est une histoire en soi, un monde prêt à
se déployer, à livrer ses secrets et à jeter un pont entre le présent, le passé
et le futur. Révélant un univers à la fois poétique, théâtral, musical et
visuel, les recherches de Dominique Gigante font également la part belle à la
spontanéité du geste et au hasard. Chaque gravure est unique, explique
l’artiste. «Son tirage est un moment de grande complicité avec Raymond Meyer,
car c’est comme un cadeau qu’il me fait, que je reçois comme tel et que je veux
ensuite partager avec d’autres. Nous sommes des passeurs. Nous offrons des
séquences de vie et d’amour.»
Armande Reymond
Article à paraître dans la revue ph’arts
et dans le Prill’Héraut